Khourchidbanou Natavan
Khourchidbanou Natavan, souvent appelée « fille du Khan », est une figure majeure de la poésie azerbaïdjanaise du XIXe siècle. Née en 1832 à Choucha, dans la région montagneuse du Garabagh, elle était la fille unique de Mehdiqulu Khan, le dernier khan de Garabagh. Son existence a été marquée par une période de grandes transformations politiques et sociales, ce qui a profondément influencé sa poésie. Élevée dans une famille noble, Khourchidbanou a bénéficié d'une éducation soignée, ce qui était rare pour les femmes de son époque. Elle parlait plusieurs langues, notamment l’azerbaïdjanais, le persan et l’arabe. Son éducation de haut niveau et son environnement culturel riche ont été déterminants dans le développement de ses talents littéraires. Dès son jeune âge, elle s'est tournée vers la poésie pour exprimer ses sentiments et ses observations sur la société.
Natavan a commencé à publier ses poèmes sous le nom de "Khourchidbanou". Ses œuvres, souvent marquées par une profonde mélancolie et un lyrisme intense, abordent des thèmes tels que l’amour, la nature et la spiritualité. Elle utilisait également sa poésie pour traiter de questions sociales et politiques, réfléchissant sur la condition de son pays et de son peuple.
Parmi ses œuvres les plus connues figure le recueil de poèmes intitulé "Divan", qui compile une grande partie de ses écrits. Dans ce recueil, ses ghazals et rubaiyat, des formes poétiques traditionnelles persanes, se distinguent par leur profondeur émotionnelle et leur beauté linguistique. Natavan est également reconnue pour ses contributions à la musique traditionnelle azerbaïdjanaise, ayant écrit les paroles de nombreuses chansons populaires.
Outre sa carrière littéraire, Natavan a joué un rôle actif dans le développement culturel de son pays. Elle a fondé des cercles littéraires et artistiques, où les intellectuels et artistes de l’époque se réunissaient pour discuter, échanger des idées et créer. Son influence s’étendait bien au-delà de la littérature, touchant également des domaines comme la peinture et la musique.
Natavan organisait régulièrement des salons littéraires à Choucha, où se réunissaient des poètes, écrivains et artistes. Ces événements étaient des occasions d’échanges culturels, où des œuvres européennes, y compris françaises, étaient discutées et appréciées. Ces rencontres ont joué un rôle clé dans la diffusion des idées littéraires européennes en Azerbaïdjan et vice versa.
L’écrivain français Alexandre Dumas (1802-1870), s’est rendu en Azerbaïdjan lors de sa visite dans le Caucase en 1858-1859. Peu de temps après son retour, en avril 1859, il publie les impressions de voyage au Caucase en trois volumes. Il y raconte notamment comment il fit connaissance de Khourchidbanou Natavan, de son mari, le prince Khassay Utsmiyev, et de leur famille lors d’une visite à la maison de Pigulevski, un chef de la police de l’un des quartiers de Bakou. Une amitié sincère se noua entre eux. Dumas joua aux échecs avec la poétesse, et le résultat du match fut mémorable: Natavan fit Dumas échec et mat. Elle n’avait que 26 ans, et Dumas 56. Pour la récompenser de sa victoire, et en signe d’admiration devant son intelligence, Dumas offrit à Natavan un buste de Napoléon qu’il avait apporté de Paris et un élégant jeu d’échecs en ivoire. Ce cadeau symbolisait la grande estime qu’il éprouvait pour la poétesse, à la fois pour son habileté aux échecs, et sa brillante personnalité.
Les dernières années de Natavan furent marquées par une réflexion accrue sur la condition humaine et les questions existentielles, souvent exprimées à travers sa poésie. Elle mourut en 1897, laissant un riche héritage littéraire et culturel. Son influence a perduré bien au-delà de sa vie, ses œuvres continuant d’inspirer des générations de poètes et d’artistes azerbaïdjanais. En reconnaissance de ses contributions, plusieurs institutions culturelles et éducatives en Azerbaïdjan portent son nom. Elle est commémorée non seulement pour ses poèmes poignants et son rôle dans le renouveau culturel de son époque, mais aussi pour son engagement philanthropique et sa vision humanitaire. Natavan reste une figure emblématique de l’histoire littéraire et culturelle de l’Azerbaïdjan, son œuvre témoignant de son époque et de son génie créatif.
Khourchidbanou Natavan est une figure centrale de la poésie azerbaïdjanaise, dont l’influence dépasse les frontières nationales. Bien que les preuves directes de ses relations avec des poètes français soient limitées, il est clair que son œuvre a été influencée par les courants littéraires européens et qu’elle a contribué à un riche dialogue interculturel. Son héritage en tant que poétesse et diplomate continue d’inspirer les générations actuelles, illustrant la puissance de la poésie comme moyen de communication et de compréhension entre les cultures.